vendredi 8 mai 2009

Utopia: Et Si J'Etais...

Dirigeant d'une Major de l'Industrie du Disque?

Ca commence sérieusement à sentir le sapin pour le projet de loi Hadopi et il se pourrait bien que nous disions au revoir à Christine Albanel au prochain remaniement ministériel (dont il faudra que l'on m'explique en quoi les résultats du suffrage européen pourrait enclencher un chassé-croisé gouvernemental... comment peut-on encore s'étonner de cet amalgame malheureux entre élection européenne et vote "sanction"?)

Un des arguments souvent entendus ça et là de la bouche des pro-Hadopi ou des partisans du "moindre mal" prétenduement protecteur des artistes n'est en fait pas un argument mais un renvoi réthorique vers une supposée absence d'alternative ou de contre-propositions.

Et bien, chers amis (oui, je ne peux m'empêcher cette inclination virtuelle à votre endroit...l'humeur sans doute), n'attendons pas une seconde supplémentaire pour nous mettre dans la peau de Pascal Nègre, Président et Directeur Général d'Universal Music France.

Que faire à l'égard des actionnaires?

Il est un premier combat à mener à l'encontre des actionnaires qu'il convient de convaincre, rapports indépendants à l'appui, que le maintien du modèle économique actuel, n'est pas viable à long-terme.
Pas facile lorsque l'on a exigé des efforts durant ces quelques vingt dernières années à force d'acquisitions et de concentrations pour réunir dans les mains de quelques-uns les enjeux culturels du monde occidental.
Une fusion-acquisition n'est pas nécessairement une bonne ou une mauvaise nouvelle en soi. Elle s'associe souvent en revanche d'une réduction de la rentabilité à court terme, le temps pour les entreprises jumelées de ne devenir qu'une.
Dès lors, l'entreprise s'avère délicate mais certainement pas impossible. Après tout, il en va de la pérennité de l'activité.

Quelles actions entreprendre?

Le coût

Pour relancer l'activité, il faut la moderniser et se conformer à la demande du public.
Remarquons d'emblée que le prix du CD n'a pas varié à la baisse (sauf offres promotionnelles chroniques) depuis sa création...en 1987.
Or, les coûts de production du support ont drastiquement baissé mais n'ont pas été répercuté sur le prix final pour le consommateur.
Rappelons que les économistes dans la lancée de Laffer ont mis en exergue la théorie du juste prix psychologique, celui à partir duquel les ventes sont optimisées.
Il s'agit d'un prix fixé à partir de plusieurs paramètres: la perception du consommateur du produit, sa nouveauté, sa rareté, etc.
Concommittamment à l'obsolescence du support, l'offre musciale "grand public" s'est nettement standardisée favorisant quantité au mépris de la qualité. En outre, le sentiment général qu'une nouvelle génération d'artistes peine à être révélée au grand public s'est installé.
Enfin, l'opportunité de l'achat de produits culturels est directement impacté par l'évolution du pouvoir d'achat de la population, lui-même en berne depuis plusieurs années.
En conséquence, il n'est plus possible de maintenir les mêmes prix que par le passé.
Cela va certes à l'encontre du discours néolibéral qui promeut la croissance à tout va, mais il s'agit d'une vision bien plus pragmatique.

Action : améliorer l'équilibre entre valeur du produit et prix final au consommateur de manière à se rapprocher du prix psychologique (prix se situant aux alentours de 7 EUR pour un album CD et de 0,20 EUR pour un titre unique électronique - source: Pifomètre 2009)

A noter que la réduction du prix de revient est rendu d'autant plus possible que les intermédiaires disparaissent avec l'émergence de la vente directe sur Internet et la disparition du support physique.

Les restrictions d'utilisation

A l'heure de la diversification des supports multimédias (TV avec connection réseau, consoles de salon devenant centres de médias, téléphone devenant TV et Internet...), et de l'interaction des produits entre eux (TV/Téléphone/PC/Console/Amplificateurs...), restreindre l'utilisation des fichiers numériques que ce soit en terme de diversification ou d'interaction est contre-productif et participe d'une baisse de la qualité "perçue" par le consommateur.
La demande est aujourd'hui à la multiplication des possibilités.

Action: supprimer les restrictions d'utilisations superflues

La valeur perceptible

Aujourd'hui, la musique est omniprésente. Parallèlement au phénomène de standardisation, et sous l'effet de l'industrialisation des oeuvres culturelles, le caractère "unique" et donc la valeur du produit, tel que perçue par le consommateur en est nettement appauvrie.
Il faut nécessairement passer par une stratégie marketing moins ostentatoire.
En outre, il faut varier la diffusion d'artistes "alternatifs".

Autre moyen d'améliorer la valeur du produit: le rendre "unique" par le soin apporté au package.

Les coffrets, les éditions limitées, les combinaisons multimédias (CD, DVD, interface multimédia), les posters, les livrets... en sont les exemples les plus évidents.

Action: soigner le contenu et le contenant. Varier l'offre culturelle, déconcentrer la stratégie marketing sur les quelques artistes vedettes, et multiplier les coffrets.

La distribution

Un des paramètres favorisant le piratage des oeuvres est la difficulté d'obtention du produit par les moyens licites. Le prix participe par ailleurs de cette idée. Pour autant, ici, il est question du réseau de distribution et de la facilité avec laquelle le consommateur peut se procurer le produit.
La démocratisation d'Internet aurait dû être paradoxalement l'avénement d'une mise à disposition en un click...mais l'industrie du disque a râté le coche en ne mettant pas immédiatement à disposition l'ensemble de leur catalogue au format électronique sur un site facile d'accès. Il est devenu plus facile de se procurer le produit de manière illicite par les réseaux P2P.

Action: mettre l'ensemble du catalogue à disposition soit en version CD soit en version électronique en un clic, sur un site convivial et facile d'accès.

Ces actions seraient à même de relancer l'industrie du disque mais requiert des efforts financiers importants.

Mais voyez-vous, amis internautes, il est ici question d'un problème structurel plus que conjoncturel. La globalisation du néolibéralisme a consacré le modèle unique du profit court-termiste au mépris du projet d'entreprise. Il ne reste qu'à espérer que l'un montre la voie aux autres.

Ah, si j'étais dirigeant de l'industrie du disque...

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